Il y a très exactement dix ans sortait l'un des albums les plus marquants des années 2010 : Hurry Up We're Dreaming du groupe Français M83. Un album culte à bien des égards.
J'ai coutume de dire qu'un bon album se doit d'envoyer une perche dés l'entame et d'en renvoyer une en fermeture. Autant dire que dans la catégorie, Hurry Up We're Dreaming est indéniablement un modèle du genre, une absolue perfection. L'intro est une fulguro-patate tout autant que l'outro. Et entre les deux, une constellation de titres hétéroclites dans leurs influences mais homogènes dans la qualité (exception-nelle). Des influences, M83 n'en manque clairement pas : l'univers doux-amer de Tears For Fears flirte avec les ambiances aériennes de Jean-Michel Jarre, les sonorités éthérées des Cocteau Twins embrasent celles des Tangerine Dream tandis que Pink Floyd trinque avec Vangelis. En somme, un cocktail explosif de saveurs disparates qui auraient pu faire d'Hurry Up' une oeuvre métamorphe disgracieuse, un album-hommage maladroit où les inspirations camouflent difficilement le pastiche. Il n'en est rien.
Hurry Up We're Dreaming était une révolution, un colosse artistique aux pieds de marbre comme le XXI siècle en a trop peu engendré. Porté par le tube intergalactique Midnight City, il contribuera à la fois à populariser auprès d'un très large public la Dream Pop, à relancer une scène Shoegazing en coma artificiel depuis une vingtaine d'années et, par-dessus le marché, réhabilitera même la Synthpop.
Petite particularité qui en dit long sur la faible médiatisation des artistes Français "non-francophones" (foutue exception culturelle) : Hurry up We're Dreaming sera un énorme carton aux USA, beaucoup moins dans nos hexagonales contrées - ou tout du moins, à retardement. Dans la même idée, l'album se fera descendre par une certaine critique qui lui reprochait à l'époque ses sonorités 80's "dépassées". Les mêmes critiques qui encenseront cinq ans plus tard le très moyen Junk (Netflix et Stranger Things sont entre-temps passés par là). On a coutume de dire qu'on a les "dirigeants que l'on mérite". Il en va sans doute de même pour la presse, musicale ou non, qui a de longue date troqué l'objectif lune ou profit de l'objectif thunes.
Quand Hurry Up' est sorti, j'avais 21 ans. La première écoute de ce chef d'oeuvre fut sans doute l'unes des baffes musicales les plus astrales de mon existence. Je me reconnaissais dans toutes les influences du groupes, des artistes qui étaient alors pour la plupart en voie de ringardisation avancée. Outre la qualité sonore incroyable de l'album, je me sentais moins seul, moins anachronique. Enfin, un groupe contemporain modernisait tous ces artistes que je chérissais.
J'aurais aimé dire que Hurry Up fut le Big Bang d'un renouveau musical. Malheureusement il fut, sinon une Supernova, un sursaut gamma. Sans doute était-il trop en avance sur son temps, ou trop en décalage, comme beaucoup d'autres albums qui lui succéderont (au rayon desquels on citera notamment The Weather de Pond, Thank Your Lucky Stars de Beach House et Ordinary Corrupt Human Love de Deafheaven). Trop brillant pour une époque toujours plus terne, trop rêveur pour un monde de plus en plus cauchemardesque...
Le peu de reconnaissance dont bénéficie Hurry up We're Dreaming (et tant d'autres artistes) est la raison d'être de Breakfast In Backstage, l'essence de notre chaîne, la raison pour laquelle on a voulu la reprendre. Pour être tout à fait franc avec vous, nous espérons sincèrement avoir à moyen terme l'audience la plus large possible. Bien entendu, ne soyons pas hypocrites et ne nions pas que ce serait tout à fait valorisant pour nous individuellement. Toutefois notre confort individuel pèse bien peu dans la balance au regard de notre principale aspiration : pouvoir diffuser auprès du plus grand nombre une musique à la hauteur de ce que l'humanité peut produire de plus grandiose.
Dix ans ont passé désormais et, de nouveau, nous commençons à ressentir cette solitude...
Comentarios