Le 25 novembre dernier, le blog consacré à la musique post-rock célébrait ses dix ans. Nous y étions. Enfin, je crois...
10h42. Comme trop souvent, je me réveille en position fécale avec une abominable paralysie du sommeil. Mon démon matinal, sans doute une projection de mon cerveau malade, veut jouer au jeu de celui-qui-tient-le-plus-longtemps-sans-battre-des-cils. Je le soupçonne fortement de tricher d'ailleurs car il n'a pas de paupière. De mon côté, j'ai surtout envie de prolonger ma courte nuit. La veille, je me suis fait traquenarder en soirée par Simon Goldman, le guitariste des Space Alligators. Je ne sais pas si ce sont les conséquences de la bouteille de Four Roses que nous avons liquidé beaucoup trop vite ou celles du quart d'heure passé sous la pluie à attendre mon pochtron sûr, mais j'ai une innommable crève et rendez-vous avec Alexis dans très exactement dix-huit minutes. Jusqu'ici, la journée s'annonce sous les plus ordinaires hospices : une gueule de bois et un retard difficile à justifier. Le détail piquant, c'est que nous sommes attendus le soir-même à Paris, frais et dispo pour interviewer Eglantine, la créatrice du blog Totoromoon. Pour la fraîcheur, c'est a priori raté.
11h53. J'arrive enfin chez Alexis en cosplay de François Fillon. Tout y est : le teint pâle, les cernes de 33 tonnes et la voix medium-basse austère typique du conservateur tradi qui a perdu la foi. Je m'excuse du retard, que je justifie sans conviction par la rhinopharyngite naissante qui commence effectivement à me carboniser la gorge. Mon ami de dix ans me regarde d'un air plus amusé qu'accusateur. "Tu veux plutôt dire que t'étais avec Simon hier soir". Alexis, c'est vraiment Guy Roux. Je devais tirer une belle tête de coupable, puisqu'il s'est empressé d'ajouter : "il m'a proposé aussi de passer et quand t'es à ce point en retard, je sais pertinemment que c'est parce que t'as picolé avec lui la veille". Touché. Sans épiloguer, il me propose un café salutaire et me briefe sur le programme du weekend. Dans ma tête, c'est le Viêt-Nam. Pendant qu'il me parle, mon DJ neuronal lance le thème d'alerte de Metal Gear Solid. Tout devient tout de suite plus épique.
- "Notre mission du jour : infiltrer une soirée post-rock au Supersonic. Pour cela, le QG nous offre tous les moyens matériels nécessaire à la réussite de cette opération, c'est-à-dire nos chibres et pas de couteau."
- "La routine pour des professionnels de notre trempe, boss."
- "Une fois le contrat rempli, tu devras rester sur place car un autre objectif t'attend le lendemain à Paris : aller à l'ambassade de Mongolie couvrir le showcase de The Hu. Cette fois, tu seras seul et contraint de t'exfiltrer par tes propres moyens. Je sais que c'est une mission suicide..."
- "... Si j'avais reçu un dollar à chaque fois que vous m'avez dit ça, boss, mon majordome s'appellerait Elon Musk."
En réalité, je n'avais pas prévu de descendre sur Paris ce weekend. C'est Alexis qui a pris la main sur l'organisation et la veille encore, ma présence à l'un et l'autre des deux évènements n'était pas acquise. Le fait est qu'il n'avait encore jamais conduit d'interview et qu'il comptait sur moi pour lui enseigner mon savoir ancestral dans l'exercice. Quant à l'ambassade de Mongolie, un imprévu de dernière minute l'a conduit à se désister à mon profit. C'est con, j'aurais bien nolifé sur Metal Gear Solid 3 mais que voulez-vous, Alexis a toujours été doué pour ruiner mes plans les plus adacieux. On embarque donc à bord de sa bagnole direction la capitale.
Durant le premier tiers du trajet, j'ai l'impression de rouler une pelle à un détraqueur. La conduite relativement sportive d'Alexis me fait regretter chacune des gorgées de 'sky ingérées quelques heures auparavant. Histoire de rajouter du harissa au piment, j'ai toujours eu le mal des transports. Par chance, il a égaré l'adaptateur jack pour brancher sa saloperie d'iphone aux enceintes, me permettant ainsi d'hériter de la très confortable tâche d'offrir une BO à cette escapade. Mon flow Deezer envoie sans prévenir Heart Shaped Box. Je change immédiatement de tracklist en dépit des protestations de mon mate. Je lui aurais bien expliqué que Nirvana me file la gerbe en caisse avec bien plus d'efficacité encore que ses déboîtements ave maria mais je suis en économie d'énergie, dans l'attente du rôt guttural qui me fera expulser la marque des ténèbres de mon organisme. Dans l'interstice, Alexis tente d'animer la conversation. En vain. Nous pénétrons dans la Somme, le pays des obus enterrés, du gaz moutarde et des chauves-souris.
Au bout d'une heure et demi de trajet - ressentie six, Alexis marque une halte sur une aire de repos du fin fond de la Somme à dessein de m'offrir une bouteille de coca et un sandwich suédois au prix d'un plat du jour de restaurant étoilé. Dans mon monde de nerd qui a poncé tous les Final Fantasy, j'appelle ça une queue de phénix. J'ai l'impression de revivre alors que nous longeons le Parc Astérix. On discute musique, Genesis et Gated Reverb Snare, jusqu'à ce que je lui annonce la sinistre vérité : je n'ai jamais trop arroché au post-rock. Si l'on était dans un mauvais film français, il y aurait eu un blanc suivi d'un plan de la voiture qui pile en manquant de provoquer un carambolage et, enfin, une violente embrouille où nos répliques se seraient entremêlées dans un abominable brouhaha de clichés. Je déteste le cinéma français. Au lieu de ça, Alexis s'est contenté de me répondre un laconique "moi non plus". Nous sommes sauvés : cette journée ne sera jamais portée à l'écran par Philippe De Chauveron...
A ce stade, je dois vous faire une confession : je suis un véritable foudingue de new wave, du genre à monologuer des diatribes de quinze minutes - ressenties quarante - pour t'expliquer que, oui, A-ha c'est du rock. A ce titre, je n'ignore pas que la new wave a influencé pléthore de mouvements postérieurs aux années Mitterrand, parmi lesquels l'on retrouve bien évidemment la très populaire synthwave - toujours très en vogue à l'heure où j'écris ces lignes, le shoegazing sous l'impulsion des Cocteau Twins et des Flaming Lips mais aussi - et surtout dans le cas qui nous intéresse - le post-rock. Peu le savent en dehors d'un petit nid d'initiés mais l'on attribue couramment la naissance du post rock à Talk Talk, principalement connu pour les tubes It's My Life et Such a Shame. En 1988, la formation du regretté Mark Hollis abandonne les spotlights de la pop synthétique pour explorer des sonorités plus... Expérimentales. Talk Talk sort ce que d'aucuns considèrent comme le premier album post-rock, à savoir le très avant-gardiste Spirit of Eden. Ethérée, jazzy et majoritairement instrumental, le disque posera les jalons d'un genre qui n'avait alors pas encore de nom. En ma condition d'amateur de new wave doublé d'amoureux de progressif, on pourrait s'attendre à ce que je sois tout aussi épris de post-rock. Il n'en est étonnamment rien.
Ce n'est pas que je n'aime pas le post-rock, loin s'en faut. Seulement, je n'ai jamais réussi à accrocher pleinement à cette ambiance très contemplative, ce qui ne m'empêche toutefois pas d'apprécier certains sous-genres metal dérivés tels que celle du black atmo. Pour tout dire, j'ai toujours eu l'image d'une scène élitiste, communautaire et cloisonnée, conséquence probable de mauvaises interactions avec certains de ses prédicateurs, généralement apostats de mon prog-chéri : "Le prog ? Hormis Jethro Tull, c'est de la merde. Go écouter plutôt Meniscus et Year of No Light". Si vous trouvez que les progueux sont arrogants, sachez que les amateurs de post-rock sont à ceux du prog ce que Florizarre est à Bulbizarre. J'appréhende de fait quelque peu l'interview autant que la soirée. Si je ne suis pas un novice intégral du post-rock, je qualifie volontiers mes connaissances dans le domaine de "lacunaires", ce que je ne manque pas de dire à Alexis. Je connais les principales têtes d'affiche, l'historique wikipediesque du genre, deux-trois groupes obscurs qui me permettent de ne pas passer pour un noob complet en société et that's all folks. Au fond, ce n'est peut-être pas plus mal. J'ai un mépris profond pour ces journalistes qui font des interviews pour eux-mêmes et non pour le lecteur : je considère qu'une bonne interview se doit d'être agréable à lire pour le profane au moins autant que pour l'expert et, cela va sans dire, pour l'interviewé. Cette soirée sera donc placée sous le signe de l'humilité et l'ouverture d'esprit.
J'abandonne donc mes a priori quelque part entre Roissy et Aubervilliers. Après avoir affronté les redoutables embouteillages franciliens du vendredi soir qui nous coûteront une bonne heure de retard sur l'horaire convenu, nous arrivons enfin au Supersonic. Le club n'est pas encore ouvert et le personnel s'affaire à la préparation de la soirée tandis qu'un groupe que l'on me présente comme étant Mime termine tout juste ses balances. Alexis active la quête principale "trouver Eglantine". Réflexe de joueur de RPG, il se dirige en priorité vers l'un des taverniers qui lui indique qu'elle est à l'étage, autrement dit "les loges" dans le jargon du Supersonic. Alexis jouant régulièrement ici, nous nous engouffrons sans aucune difficulté dans cet espace normalement interdit au public. Je dérange une première fois l'une des employées du lieu en m'accoudant à une table visiblement pas destinée à cet usage, tandis que mon binôme scrute la pièce à la recherche d'une personne que nous n'avons jamais rencontré auparavant. On nous demande poliment ce que nous faisons ici, sachant qu'Alexis est sensé jouer avec Indal à1h du matin et qu'il n'est à cet instant que 18h. "On est ici pour interviewer Eglantine" lui répond-il, ce qui a pour effet immédiat de l'invoquer. Une dame brune vêtue d'une robe très scintillante s'approche de nous. C'est elle.
Je sais Alexis anxieux à l'idée de conduire sa première interview. Rompu aux joutes de l'exercice, il l'est indéniablement... Dans la position de l'interviewé. Quant à Eglantine, bien que souriante et tout à fait joviale, elle est visiblement au moins aussi stressée pour la raison exactement inverse : en plus de la charge mentale du bon déroulé de la soirée qui lui incombe, elle n'a de son côté jamais été interviewée. Succulente inversion des rôles. Pour détendre immédiatement l'atmosphère, je nous présente par une formule à la con : "Voici Alexis, le responsable de Breakfast In Backstage et moi c'est Kevin, l'irresponsable de Breakfast In Backstage". Alexis éclate de rire, elle aussi. Sans doute la pression du moment, parce que c'était pas ouf non plus comme blague. Je lui assure que ce ne sera pas long - l'enregistrement de l'entretien a effectivement pris moins de dix minutes - et très simple : il faut juste présenter Totoromoon, évoquer son rapport au post-rock et les groupes présents. J'entame d'ailleurs les hostilités avec une question au-delà du basique sur Mon Voisin Totoro dont je connais déjà la réponse puisqu'Eglantine s'affiche avec une peluche de Totoro en première page de son blog.
L'interview terminée, nous pouvons passer aux choses sérieuses : les concerts ? Non, la buvette. J'avais dit à Alexis en partant de Lille que je ne boirai pas une goutte d'alcool. Il ne m'a pas cru et pour être tout à fait honnête, moi non plus. Il prend une bière, j'opte pour un Moscow Mule. Pendant ce temps sur scène, Goodbye Meteor - un groupe dont le nom hurle "post-rock" sur cinq octaves - a la lourde tâche d'ouvrir la soirée. Histoire de ne pas verser dans l'amateurisme le plus complet, je me renseigne sur la formation avec mon téléphone intelligent alors que le set démarre. J'apprends qu'ils ont sorti leur deuxième Ep - Metanoia - en début d'année et qu'ils sont originaires de Picardie. Il va sans dire que je ne connais aucun de leurs morceaux ni le style dans lequel ils orbitent. Mes connaissances rudimentaires en post-rock me permettent tout de même de reconnaître quelques vibes à la Explosions In The Sky, une formation qui porte très mal son nom du fait d'une musique davantage planante qu'éruptive. A l'inverse, Goodbye Meteor charge ses titres de C4, en particulier les finish, ce qui n'est pas pour me déplaire. Je me laisse dire que leur musique ne détonerait pas - ou plutôt si, en parler littéral - dans un film de science-fiction où des astronautes devraient traverser trous de ver, trous noirs et tesseract pour sauver une humanité prisonnière d'une Terre devenue inhospitalière de l'extinction. Chose rare et - toujours aussi littéralement - détonante pour du post-rock, le quatuor s'essaie au chant sur le titre qui clôture leur solide prestation.
Goodbye Meteor sur Spotify
Goodbye Meteor, bonjour Mime. Comme pour leurs prédécesseurs, je me hâte de googliser le groupe non sans difficulté. Je découvre à cette occasion que le nom "Mime" - ou ses variantes M.I.M.E et MIM - est particulièrement plébiscité par les artistes quand il s'agit de choisir un nom de scène. En parlant de scène, je m'étonne dans un premier temps qu'ils parviennent à tenir sur celle du Supersonic. Ils sont en effet six et l'estrade de la salle supporte d'ordinaire péniblement le pédalier d'Alexis. A priori, ça tient. Je parviens enfin à retrouver leurs réseaux sociaux - merci Totoromoon. Mime est un groupe de Paris qui joue donc à domicile ce soir. Ils existent a priori depuis une dizaine d'année - ce qui en fait la formation la plus expérimentée de l'affiche - et ont sorti leur dernier Ep Lighthouse en 2018. Peu après les balances et donc bien avant le début de soirée, Hadrien Coupechoux - l'ingé-son du lieu - nous a particulièrement bien vendu le deuxième combo du line-up. Et effectivement, ça envoie sec. Le tiercé de guitare donne une dimension absolument surpuissante à leur son, obligeant même Alexis à s'insérer des bouchons d'oreille pour préserver ses délicats tympans d'éventuels acouphènes. Il faut dire que Mime flirte dangereusement avec les frontières du post-metal et que le pauvre n'est pas habitué. Je le chambre en lui racontant que l'unique fois où je me suis avoué vaincu (comprenez que j'ai consenti à m'insérer des boules quies dans mes feuilles de choux), c'était pendant un concert de Cannibal Corpse qui toisait les 130 décibels. Le karma me rattrape deux morceaux plus tard et, pour la seconde fois de ma vie, je me vois contraint de me voiler les oreilles. Mime-Breakfast In Backstage, score final 2-0.
Pour être tout à fait transparent, l'effet cumulé de la gueule de bois et du deuxième Moscow Mule m'ont donné une envie furieuse de cloper. C'est depuis un fumoir désert que nous avons observé - et apprécié - la fin du set de Mime, sans boule quies : l'isolation de la pièce filtrant juste ce qu'il faut les 9g balancés par les parisiens, soit un décollage de fusée, allégorique mais néanmoins presque littéral, toujours. Leur set achevé, Eglantine monte sur scène glisser quelques mots à l'assemblée présenter pour célébrer les dix ans de Totoromoon. En sortant du fumoir, on croise le sosie de Finn Wolfhard qui descend les escaliers des loges. L'espace d'une seconde, j'ai cru que c'était le vrai. Lui se dirige vers la scène, nous vers le bar. Alexis dit non à l'alcool, pas moi. Le Supersonic s'est bien rempli depuis quelques instants et le temps d'être servi, le troisième groupe du soir est déjà sur scène. Et putain, ça me parle déjà. Honteusement, je demande à Alexis de me rappeler leur nom. C'est Carmen Sea. C'est pas comme si on avait interviewé l'organisatrice de la soirée deux heures auparavant. Deux heures et autant de verres, autant dire il y a un millénaire à l'échelle d'un évènement post-rock. Mon troisième Moscow Mule en main, je m'approche autant que faire se peu de la scène.
Mime sur Spotify :
Première surprise : Carmen Sea joue avec un violoniste. Bon en réalité, ce point était entendu puisqu'Eglantine l'a précisé durant notre interview. Non, la vraie surprise, c'est que le violoniste n'est autre que ce bon vieux Finn - j'ignore toujours son blase, donc dans mon coeur il s'appelle Finn. Pas de bol, Finn fracture l'une des cordes de son violon. Un démarrage de set cauchemardesque mais la formation ne lâche pas le morceau et Finn continue avec trois cordes. De toute façon avec quatre, ça aurait été trop facile. L'ironie de l'histoire, c'est que Carmen Sea a remplacé au pied levé ce qui aurait dû être la tête d'affiche de l'anniversaire de Totoromoon, Yndi Halda. Un groupe britannique contraint de se désister en raison d'un malheureux accident... de son violoniste - à qui l'on adresse tous nos vœux de rétablissement. Quand ça veut pas...
Je dois l'avouer : de toutes les formations présentes au Supersonic ce soir, c'est Carmen Sea qui m'a fait la plus forte impression. Pour tout dire, ça faisait des années qu'un jeune groupe ne m'avait pas à ce point torgnolé la tronche. Tout d'abord, il y a cette énergie totalement folle que dégage le quatuor. Leur jeu de scène est d'une aisance incroyable, tant et si bien que l'estrade paraît plus étroite encore que lorsque les six musiciens de Mime l'occupaient. Sans doute parce qu'elle n'est pas assez large pour contenir autant de talent. De toute évidence, ils croient en leur musique. Et moi aussi. Plus prog instrumental que post-rock, leurs compos sont complètement lunaires - dans le sens le plus positif du terme. J'ai l'impression d'être - tout aussi positivement - défoncé. Là encore, littéralement. Je me demande si un sinistre abruti ne m'a pas injecté du GHB à l'insu de mon plein gré. D'ailleurs, je ne sens plus ma fesse gauche. Fausse alerte : j'ai juste trop serré ma ceinture. Les joies de l'hypochondrie... Bref, tout va bien, c'est juste que Carmen Sea surbute tellement que mon cerveau gave le reste de mon corps d'endorphines. Leur concert s'achève beaucoup trop vite. Ou peut-être pas mais le temps est fatalement relatif : une heure passée devant un excellent set semble durer cinq minutes, cinq minutes assis sur un fer à repasser ardent paraissent durer une heure. Le titre final - que j'identifierai plus tard comme étant Glow In Space - achève définitivement de me conquérir : virtuose, prodigieux, atmosphérique. En un mot : grandiose.
Carmen Sea sur Spotify :
La soirée Totoromoon terminée en apothéose, le Supersonic reprend sa routine. Le DJ balance Boys Are Back In Town de Thin Lizzy alors que les deux autres membres de Indal nous retrouvent. Devant le bar, cela va sans dire. Quentin, Le chargé de prod' du Supersonic m'offre un quatrième Moscow Mule. Armés comme il se doit, nous montons aux loges où nous avons cette fois officiellement le droit d'aller - enfin, pas moi mais t'inquiète. Alexis nous explique que Gibson va lui prêter la guitare d'Angus Young pour la sixième fois de la soirée. Antoine - le batteur du groupe - et moi nous en amusons en criant "Bingo". Oui, il existe un "Bingo Alexis". On débriefe le dernier concert de Carmen Sea. C'était unanimement mortel. L'alcool commence à monter et je me lance dans une longue tirade dithyrambique. J'élabore l'hypothèse que les musiciens de Carmen Sea se sont rencontrés au conservatoire. Je mets même un verre en jeu.
- "Qu'est-ce qui te fait dire ça ?" me demande Alexis.
- "Déjà, ils sont super techniques. Ensuite, ils ont un violoniste qui a une coupe de cheveux d'étudiant en maths sup/math spé, un guitariste qui a une coupe de cheveux d'étudiant en maths sup/math spé, ils bougent beaucoup sur scène ce qui est assez caractéristique des musiciens qui jouent de la musique libératrice après avoir passé quinze ans à bouffer du Maurice Ravel, quant à..."
Je ne termine pas ma démonstration car, quand on parle du loup, en voilà la mèche : Finn vient d'entrer dans la pièce. Il est encore bouffé par l'adrénaline. Visiblement éreinté, il nous confie avoir éprouvé un grand moment de détresse - légitime - après avoir pété la corde de son violon. "Sur le premier morceau, en plus !". On papote brièvement. Je lui dis tout le bien que je pense de Carmen Sea. Il paraît presque surpris. J'aurais beaucoup aimé poursuivre l'échange mais il doit malheureusement prendre congé. Avant de partir, je lui pose "juste une petite" question : qui a fait le conservatoire dans son groupe. "On a tous fait le conservatoire" me dit-il. "Pourquoi ?". "Oh, juste comme ça". J'échange un regard complice avec Alexis. Il me doit un verre. Ce sera sûrement celui de trop.
Lendemain matin, 10h42. Comme trop souvent, je me réveille en position fécale avec une abominable paralysie du sommeil. Mon démon matinal, sans doute une projection de mon cerveau malade, veut jouer au jeu de celui-qui-tient-le-plus-longtemps-sans-battre-des-cils. Je le soupçonne fortement de tricher d'ailleurs car il n'a pas de paupière. De mon côté, j'ai surtout envie de prolonger ma courte nuit. La veille, je me suis fait traquenarder au Supersonic par Alexis Perez, le chanteur de Indal. Je ne sais pas si ce sont les conséquences des six Moscow Mule que j'ai liquidé beaucoup trop vite ou celles du concert de Carmen Sea mais j'ai l'impression d'être encore bourré. Jusqu'ici, la journée s'annonce sous les plus ordinaires hospices. Le détail piquant, c'est que je suis attendu à l'ambassade de Mongolie dans quelques heures, frais et dispo pour couvrir un concert privé de The Hu. Pour la fraîcheur, c'est a priori raté...
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