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Le 11 Novembre 1986, Pink Floyd signait l'armistice avec Roger Waters.

Photo du rédacteur: Kevin LetalleurKevin Letalleur

Dernière mise à jour : 17 nov. 2022

Aujourd'hui, on célèbre l'anniversaire de la fin du conflit le plus cinglant de l'histoire du Rock.



Indéniablement, les rivalités internes, les querelles intestines et autres conflits fratricides ont contribué à agiter tout au long de son plus-de-demi-siècle d'histoire un narratif Rock qui ne manquait pourtant pas d'aspérités. De l'inimitié opposant Roger Hogdson et Rick Davies au sein de Supertramp à l'innocent free fight improvisé par les frères Gallagher dans les backstages du Rock en Seine 2009, en passant par la jalousie notoire que Paul Stanley vouait à Ace Frehley du côté de Kiss, rares sont les groupes qui peuvent se targuer d'avoir su conserver des relations harmonieuses sur la durée - si tant est qu'elles l'aient été ne serait-ce qu'un jour dans certains cas. Toutefois, parmi cette constellation de dissensions claustrées, peu furent aussi atomiques que celle qui opposa - et oppose toujours - David Gilmour à Roger Waters.


1985. Deux ans après The Final Cut - ce fameux requiem de Roger Waters interprété par Pink Floyd, Roger Waters décide que la formation n'a plus lieu d'être. Problème : sur le strict plan juridique, l'impétueux bassiste ne peut dissoudre de son seul chef Pink Floyd. En cause, un accord verbal tout aussi valable qu'un accord écrit qui stipulait que toute action entreprise par un membre du groupe devait être validée par les autres, en plus du manager historique Steve O'Rourke. A partir de là, l'histoire sombre dans un hallucinant concours d'ego trip.


Depuis plus d'une décennie, Waters s'est imposé comme le poumon créatif du Floyd, pour ne pas dire son unique moteur. Une prise de pouvoir crescendo qui atteindra son périgée en 1979 avec The Wall - un album qui relevait déjà de l'ego trip halluciné. Après avoir porté à bout de bras le quatuor durant ce que d'aucuns considèrent comme son âge d'or discographique, Waters estime que son départ du groupe lui serait invariablement fatal. Il quitte donc le navire. Pas comme n'importe quel musicien classique abandonnerait un projet, non... A la Waters, c'est-à-dire en annonçant publiquement la fin de Pink Floyd à la maison de disques, aux médias, au conclave et peut-être même au conseil de sécurité des Nations-Unies. En décembre 1985 donc, Pink Floyd est officiellement un groupe dont l'histoire se conjugue à l'imparfait du subjonctif. Enfin, officiellement...

"Ego ! Ego everywhere !"

Durant ses années de pouvoir, Roger Waters exerçait une emprise que l'on peut raisonnablement qualifier de despotique - voire carrément de toxique - sur les autres membres de Pink Floyd. Il avait en ce temps-là une formule qu'il n'hésitait pas à utiliser pour mettre au pas les éventuels mutins : "nul n'est indispensable". Sauf lui ? Même pas. Orphelin d'un père tombé au combat à Anzio en Italie durant la Seconde Guerre Mondiale, Waters était plus que quiconque conscient que les cimetières sont surpeuplés de gens irremplaçables. Ironiquement, la formule qu'il avait érigé en maxime finirait par s'appliquer à lui-même. Au détour d'un énième pugilat avec David Gilmour et Nick Mason, Waters ne manqua pas l'occasion de rabaisser son guitariste, une fois de plus. Une fois de trop.


Gilmour présentait alors au désormais ex-leader de la formation son projet de nouvel album...

Sous le nom Pink Floyd. L'ire de Waters qui s'ensuivit appartient désormais à l'histoire. Les mots prononcés par le bassiste ce jour-là furent d'une telle violence que même Mason, son plus fidèle lieutenant, pris fait et cause pour Gilmour. Etonnamment, ce ne sont pas tant les railleries perfides du musicien qui heurtèrent Gilmour et Mason qu'une phrase, presque courtoise au milieu de ce torrent d'injures : "Sans Pink Floyd, vous ne seriez rien et Pink Floyd, c'est moi et moi seul". Waters venait sans le savoir de réveiller l'orgueil - pourtant pas franchement légendaire - de ses anciens comparses... Et par là-même de redonner vie contre toute attente à Pink Floyd.


A ce moment, la carrière solo de Gilmour était un four cuisant et intégral là où celle de Waters était, sans atteindre les standards de Phil Collins ou de Sting, un poil plus radieuse. L'enjeu pour Gilmour était donc double : faire fermer son claque-merde à Waters d'une part... Et aussi - et peut-être surtout - retrouver un gagne-pain lucratif d'autre part. Cependant, difficile encore aujourd'hui de savoir lequel des deux carburants (l'argent ou l'orgueil) fut le plus inflammable pour le natif de Cambridge. C'est toutefois bel et bien l'appât du gain qui permis de trouver un terrain d'entente entre les deux frères d'armes devenus ennemis intimes.

Bien décidé à obtenir le Final Cut de l'histoire, Roger Waters décide de poursuivre en justice Gilmour et Mason afin de s'assurer qu'ils ne puissent pas utiliser la marque Pink Floyd. Quelques années après The Trial, le Floyd se retrouve donc devant des tribunaux nettement moins allégoriques. Les partis tomberont finalement d'accord - à l'amiable - en grande partie sous la pression d'EMI, qui les menaçaient de retenir les royalties du groupe (Pink Floyd était alors encore contractuellement lié au label) en l'absence de nouveau matériel de leur part. Le 11 novembre 1986, la conciliation est officiellement entérinée. Waters consent à laisser Gilmour et Mason utiliser le nom Pink Floyd moyennant un pourcentage - très - conséquent des droits du groupe (40%), l'exclusivité des titres de The Wall qu'il composa seul (soit les trois-quart de l'opus) et l'intégralité de ceux de l'album The Final Cut.


Pink Floyd se réveille donc d'un coma relativement court, moins d'un an après l'annonce de la pseudo-séparation du groupe. La formation désormais articulée autour du duo Gilmour-Mason (Wright les rejoindra durant l'enregistrement du bien-nommé A Momentary Lapse of Reason) entre ainsi dans son troisième âge, communément appelé "ère Gilmour". De cette période découlera deux albums : A Momentary Lapse of Reason en 1987 donc et le très populaire The Division Bell sorti en 1994. Un album sur lequel aurait pu jouer Roger Waters, qui déclinera avec la véhémence qu'on lui connaît l'invitation de Gilmour à enterrer définitivement la hache de guerre et retourner au sein du navire Pink Floyd. Une vaine proposition de traité de paix immortalisée dans le titre Lost For Words :


"So I open my door to my enemies

And I ask could we wipe the slate clean

But they tell me to please go fuck myself

You know you just can't win..."

 

"Alors j'ouvre ma porte à mes ennemis

Et leur demande si on peut effacer l'ardoise

Mais ils me disent d'aller me faire foutre

Tu sais que tu ne peux juste pas gagner"


Roger Waters et David Gilmour (visiblement ravi d'être là) en 2011.

A compter de ce fameux 11 novembre 1986, il faudra attendre près de vingt ans pour voir les quatre membres historiques de Pink Floyd rejouer ensemble, à l'occasion du Live 8 2005. En 2011 à Londres, Gilmour fera une apparition surprise sur la scène de l'O² Arena aux côté de Waters sur le titre Confortably Numb, à l'occasion de la tournée The Wall Live. Deux ans plus tard en 2013, Roger Waters exprimera publiquement des regrets pour avoir entamé une "guerilla judiciaire" avec les autres membres du Floyd, dans une démarche rédemptrice inhabituelle - voire inédite. L'histoire aurait pu s'arrêter là, avec une sortie par le haut autour d'un feu à chanter Kumbaya en se remémorant quelques trip bien astraux sous LSD et deux-trois anecdotes de cul rigolotes. Il n'en sera malheureusement rien et de manière assez invraisemblable, pas nécessairement à cause de Waters...


Si Waters s'échinera à pacifier ses rapports avec Gilmour, la rancœur du guitariste demeure tenace et, après une période de détente, la relation entre les deux hommes se détériorera de nouveau lorsque le premier se retrouvera banni des réseaux sociaux de Pink Floyd par le second (Waters a eu accès aux comptes Facebook et Twitter du groupe de 2012 à 2021). En cause, une embrouille de droits - encore une - autour de la réédition de l'album Animals. Finalement, plus qu'une bataille d'ego, c'était peut-être bel et bien uniquement une vulgaire histoire de gros sous...




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